De l'abolition de la peine de mort au spectre de la peine perpétuelle en France : regard sociologique sur une métamorphose pénale et carcérale

Gilles Chantraine est chargé de recherche au CNRS - CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales), Guyancourt, France. 
Il a publié en 2004 Par-delà les murs, expériences et trajectoires en maison d'arrêt (Paris, PUF-Le Monde), et a récemment coordonné avec Philippe Mary un numéro spécial de la revue Déviance et Société (2006, 3) consacré aux thème « Prison et mutations pénales ».

Vendredi 23 février 2007
11h45 à 13h00
CICC, 3150, rue Jean-Brillant, local C-4141

Résumé de la conférence : À la veille de l'abolition de la peine de mort, Foucault déclarait que « la véritable ligne de partage, parmi les systèmes pénaux, ne passe pas entre ceux qui admettent la peine de mort et les autres ; elle passe entre ceux qui admettent les peines définitives et ceux qui les excluent ». Or, depuis l'abolition de la peine de mort en 1981, les longues peines de prison en France n'ont cessé de s'allonger, jusqu'à faire réapparaître le spectre de la perpétuité réelle. Notre exposé cherchera à comprendre les significations et les implications pénologiques et pénitentiaires d'une telle tranformation. D'un point de vue pénologique, il s'agira d'explorer, dans la continuité de Durkheim, la nouvelle surcharge émotive du système pénal, et, via le nouveau rôle de l'expert en dangerosité, des transformations des finalités de l'instituion. D'un point de vue pénitentiaire, il s'agira d'observer les contradictions immanentes à un système qui prétend, d'un côté, accorder plus de droits à ceux qu'elle maintient enfermés, et, d'un autre côté, doit gérer des détenus qui n'ont plus d'espoir de sortie. Violence sécuritaire et violence des détenus s'amplifient alors dans un mouvement qui remet en cause les orientations pénitentiaires européennes en matière de respect des droits fondamentaux.