La face cachée de la privatisation de la sécurité

Enjeux pratiques et théoriques des commercialisations policières

Massimiliano Mulone est, depuis janvier 2010, professeur adjoint à l’École de Criminologie de l’Université de Montréal. Il a travaillé auparavant en tant qu’analyste senior au Centre International pour la Prévention de la Criminalité où il a notamment participé à la rédaction du Rapport international 2010 sur la prévention de la criminalité et la sécurité quotidienne : tendances et perspectives(CIPC, 2010). Dans la continuité de ses études doctorales, ses intérêts de recherches portent notamment sur la commercialisation de la sécurité, et ce, tant par le secteur privé que public.

Résumé de la conférence : Le champ de la sécurité est passé ces dernières années au travers de bouleversements considérables, le plus notable étant probablement l’accroissement de l’industrie de la sécurité privée. Comme l’ont affirmé Ian Loader ou Lucia Zedner, ceci reflète de manière plus générale une transformation profonde de nos sociétés à la faveur d’une culture de consommation où la sécurité se trouverait de plus en plus réduite à une simple commodité. En lien direct avec ces changements, certains ont mis l’accent sur les risques d’émergence d’une police privée, émergence qui pourrait augmenter les inégalités déjà existantes dans la distribution de la sécurité dans nos sociétés. Alors que la plupart des recherches se sont cantonnées à l’étude du secteur privé pour comprendre la privatisation de la sécurité, les activités de commercialisation générées par la police ont été largement occultées. Pourtant, un nombre croissant d’organisations policières se sont mises à vendre une partie de leurs services, entrant par la même occasion de plain-pied dans le marché de la sécurité et participant ainsi de manière active au phénomène plus large de privatisation.

Notre présentation se propose de réfléchir sur les enjeux liés au développement et à la pérennisation de ces pratiques. Dans un premier temps, et après avoir brièvement présenté la forme que prennent les commercialisations policières, nous nous intéresserons à leurs impacts pratiques sur l’organisation elle-même, et notamment sur la résolution des tensions générées par la cohabitation, au sein de la police, d’une logique instrumentale et d’une logique de sécurité publique dans la production de la sécurité. En second lieu sera abordée l’exacerbation de la concurrence entre des acteurs publics et privés qui tendent à se ressembler de plus en plus, modifiant les rapports de force au sein du champ de la sécurité et limitant les possibilités de partenariat. Enfin, sur un plan plus théorique, il sera question de l’inadéquation grandissante de la traditionnelle dichotomie public/privé et de définition de la sécurité privée.